À quel âge séparer un chaton de sa mère ?

Silvia Badolato


          
            À quel âge séparer un chaton de sa mère ?

Je vois actuellement passer beaucoup d'annonces de personnes qui, pensant bien faire, donnent à l’adoption des chatons âgés de 8 semaines.
Mesdames et messieurs, 8 semaines c’est (beaucoup) trop tôt ! 
Habemus Papatte vous explique pourquoi, c’est parti !

Tout d’abord, d’où sort ce chiffre ?

8 semaines, c’est l’âge du sevrage alimentaire ; c’est-à-dire l’âge à partir duquel Madame maman chat n’allaite plus ses petits. En France, quelqu’un a, un jour, décidé que c’était aussi l’âge à partir duquel les chatons pouvaient être légalement séparés de leur mère.
Un peu d’anthropomorphisme conscient [l’anthropomorphisme, c’est la tendance à concevoir le fonctionnement, les émotions et les comportements humains comme universels à toutes les espèces animales. Ce n’est pas génial quand on le pratique sans s’en rendre compte, mais ça peut être pratique pour prendre conscience de logiques aberrantes.] permet de comprendre que ce n’est parce qu’un jeune peut se nourrir d’autre chose que de lait maternel qu’il est prêt à vivre sa vie sans maman : « Allez Martin ! Maintenant que tu peux manger des petits pots saumon-carotte, il est temps de trouver un travail pour payer le loyer de ton studio ! » Délirant ? Exactement !

Le sevrage social, qu’est-ce que c’est ?

C’est tout autre chose que le sevrage alimentaire. Ce qu’on appelle sevrage social, c’est le moment où se termine le rôle éducatif de la mère.
Sitôt que le chaton est alimentairement sevré, Madame maman va lui apprendre l’indépendance (Eh oui, il ne s’agit pas de rejeter le chaton mais bien de lui enseigner l’autonomie). On parlera de chaton socialement sevré autour de la 12ème à 15ème semaine. Voilà pourquoi l’âge idéal pour adopter un chaton est de 3 mois à 3 mois et demi et pourquoi, en Finlande, l’âge minimal recommandé pour séparer le chaton de sa mère est de 12 semaines.
Ce que la mère chat enseigne à ses petits est finalement assez proche de ce que nos parents nous ont appris : ne pas mordre nos camarades, bien nous comporter en société, nous adapter à notre environnement, nous nourrir correctement, ne pas taper sur nos frères et sœurs, gérer nos frustrations, etc.
Bref, Madame maman enseigne à ses chatons tout ce qu’il faut savoir pour devenir un adulte équilibré et bien dans ses papattes.

Du coup, quel est le risque si on sépare les chatons de leur maman trop tôt ?

Une étude de 2017 parue dans la revue « Nature » montre que l’âge de séparation du chaton de sa mère chez le chat a un impact direct sur le comportement futur de l’animal. L’équipe de l’université d’Helsinki a étudié les conséquences d’une séparation précoce (avant 12 semaines) sur 5726 chats de 40 phénotypes différents .
Les humains de ces presque 6000 chats ont répondu à un questionnaire dans lequel ils évaluaient, sur une échelle à 5 niveaux, l’activité de leur chat, sa tendance à rechercher le contact avec les humains, sa peur des inconnus et de la nouveauté ainsi que l’existence d’agressions envers les membres du foyer, envers les inconnus et envers les autres chats. Il était également demandé aux humains si leur chat présentait des comportements stéréotypés (toilettage excessif, succion de laine…).
Les résultats ont montré qu’il existait une corrélation significative entre un sevrage social précoce et des problèmes comportementaux à l’âge adulte.
Si les effets néfastes du sevrage précoce avaient déjà été étudiés chez d’autres espèces, cette étude permet d’affirmer que les conséquences comportementales existent aussi chez nos félins domestiques. Le sevrage précoce génère une anxiété chez le chat, qui le suivra tout au long de sa vie et favorisera les comportements agressifs comme ceux compulsifs.
Ne pas séparer les chatons de leur mère avant l’âge de 12 à 15 semaines est un bon moyen d’assurer au chat (et à son humain) une meilleure qualité de vie.

Et si le mal est déjà fait ?

Si votre chat a été sevré précocement et qu’il manifeste des comportements problématiques vous savez désormais qu’il n’y est pour rien. Il est donc inutile de le gronder ou de le punir. Ces techniques ne fonctionnent pas sur les chats et ont la particularité de nuire à la relation qui vous unit à votre chat car elles détruisent la confiance qu’il vous porte. Elles augmentent, en outre, le niveau de stress du chat ce qui, pour un animal qui a un problème d’anxiété est, vous en conviendrez, une étrange façon de procéder.
Heureusement, les chats peuvent faire preuve d’une grande résilience pourvu qu’on leur propose des solutions adéquates
Celles-ci consistent à adapter et enrichir l’environnement afin que celui-ci corresponde davantage aux besoins éthologiques de votre chat et qu’il s’y sente plus à son aise. Il vous faudra peut-être aussi réfléchir à votre façon d’interagir avec lui pour devenir moins imprévisible à ses yeux ou pour l’aider davantage à s’épanouir.

Conclusion

Quoi qu’il en soit, le meilleur moyen d’aider les chats reste d’être leur porte-parole et de participer à la diffusion des connaissances afin que les pratiques qui leur sont néfastes, comme le sevrage précoce, n’aient plus cours. 
Silvia, Habemus Papatte 🐾
Sources :
Ahola, M.K., Vapalahti, K. & Lohi, H. « Early weaning increases aggression and stereotypic behaviour in cats ». Sci Rep 7, 10412 (2017). doi.org/10.1038/s41598-017-11173-5